Survivre, dit-elle

23/09/2016
par Colombe Schneck
Elle
Charlotte Delbo était l’assistante de Louis Jouvet, voyageait avec la troupe de théâtre de l’acteur dans le monde. Quand, en 1939, la guerre est déclarée, elle rentre en France et s’engage dans la Résistance dès 1940 ! Son premier amour, son jeune mari, le beau Georges est fusillé, elle est envoyée à Auschwitz. Et sa vie s’arrête. Après la catastrophe, dans la maison de repos où elle tente de se rétablir, alors qu’elle n’est qu’une morte-vivante, elle impressionne ses camarades par la délicatesse de sa lingerie, l’élégance de ses robes. Dès 1945, elle écrit sur un cahier à spirales, « Aucun de nous ne reviendra ». Ghislaine Dunant explique combien Charlotte était obsédée par la volonté de témoigner de ce qu’elle et ses compagnes de déportation avaient vécu. Raconter, ce sera sa mission. Charlotte Delbo décrit la vie arrêtée trop tôt de ses amies, l’horreur, le gouffre de souffrance qui ne la quitte plus. Publié vingt ans plus tard par les Editions de Minuit, « Aucun de nous ne reviendra » est mal accueilli ; cela l’attriste, mais elle continue, publie de la poésie, du théâtre. Elle est une résistante, une amoureuse, une fidèle en amitié et, surtout et toujours, une écrivaine qui ne veut pas oublier ce qu’elle a vécu. Mais elle n’en oublie pas de vivre : « Rire, se réjouir d’être avec les gens qu’elle aime, boire du champagne », écrit Ghislaine Dunant, c’était aussi cette femme hors du commun. « Je crois que, sans ce dédoublement, je n’aurais pas pu vivre », lui souffle Charlotte Delbo. Cette formidable biographie est une célébration de cette vie encore possible après, malgré la souffrance.